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Du temps où l'Amérique du Nord était sous les tropiques

par Isabelle Archambault

 

Un climat tropical en Amérique du Nord ? Impossible ? C’était pourtant le climat prédominant sur le continent durant la période Ordovicienne. En effet, l’ancien continent Laurentien, supportant le plateau continental de l’Amérique du Nord d’aujourd’hui, était sous les latitudes équatoriales il y a de ça 488 à 444 millions d’années (Coenraads & Koivula, 2012). Un des sites les plus importants nous permettant de l’affirmer est la région de Cincinnati, le plus riche site fossile de la période de l’Ordovicien supérieur (Ordovician Atlas, 2014). Dans ce site et les strates sédimentaires décrites au fil des nombreuses études, on retrouve des preuves de vies de cette période et des indications que toute la région était sous une mer peu profonde, sous un climat chaud et humide (Ordovician Atlas, 2014). Les assemblages des espèces y ayant vécu soit des coraux, des bivalves, des gastropodes, des crinoïdes, de trilobites et des céphalopodes en plus de la prolifération de cette biodiversité en sont la preuve.

 

La région de Cincinnati

Un des sites les plus importants de fossiles de la période ordovicienne se trouve aux États-Unis, dans la région de Cincinnati. Cette région exceptionnelle qui expose une strate géologique datant de l’ordovicien et qui englobe le sud-ouest de l’Ohio, le sud-est de l’Indiana et le Nord du Kentucky (Ordovician Atlas, 2014). La région de Cincinnati, communément appelée l’arc de Cincinnati ou la ceinture ordovicienne (Ordovician Atlas, 2014) est une région reconnue pour ses dépôts fossiles importants datant de la période ordovicienne supérieure. La région de Cincinnati est datée d’approximativement 451 à 444 Ma (Ordovician Atlas, 2014). Aves les nombreuses recherches et découverte faites sur le site et remontant jusque dans les années 1800 (Ordovician Atlas, 2014), les roches sédimentaires composant l’arc ont pu révéler une faune diverse, nombreuse particulièrement prolifique avec plus de 470 genres et plus de 1 200 espèces. Elle permet donc une excellente représentation de la faune marine de la période de l’ordovicien supérieur de par son assemblage composé principalement de mousses, crinoïdes, coraux, bivalves, escargots, céphalopodes et trilobites (Ordovician Atlas, 2014).

 

Le continent Laurentien

Durant l’Ordovicien supérieur, l’Amérique du Nord faisait partie de l’ancien continent Laurentien et sa position était différente que sa position actuelle. La région de Cincinnati, en particulier, était sous les tropiques, à 20 degré sud (Ordovician Atlas, 2014). Au cours de cette période on a aussi pu observer la formation d’une chaine de montagnes sur le continent laurentien par le contact d’une plaque continental au sud de la Laurentie. Cette chaine de montagnes correspond aujourd’hui aux Appalaches qui sont le vestige érodé des montagnes Taconiques de cette période (Ordovician Atlas, 2014). L’arc de Cincinnati était donc sous la mer et a été soulevée progressivement par le contact de la plaque continentale qui a formé la chaine de montagnes taconique (Polly, 2012) rendant ainsi le fond marin peu profond à cet endroit et pernettant aussi un pli qui sera éventuellement exposé par l’érosion.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Stratigraphie

Sur le site de Cincinnati, on observe une alternance de deux types de roches sédimentaires soit le schiste et le calcaire (Ordovician Atlas, 2014). Les couches de Schistes se sont formées par le dépôt d’argile et de silt qui était eux-mêmes des sédiments résultant de l’érosion des montagnes taconiques environnantes (Ordovician Atlas, 2014). Ainsi, il y a eu un apport intermittent de sédiments boueux, parfois causant un recouvrement des espèces, parfois permettant la colonisation en se solidifiant durant les périodes d’accalmies (Ordovician Atlas, 2014). Durant les périodes où il n’y avait pas d’apport soudain de sédiments par les tempêtes fréquentes, il y avait prolifération de coquillages dans les fonds marins (Ordovican Atlas, 2014). Ainsi, ces coquillages couvrant le fond on pu former avec les temps les strates de Calcaire (Ordovician Atlas, 2014). Bref, c’est l’alternance d’apport de sédiment important des montagnes taconiques et les périodes où il n’y a pas de dépôts et que le fond se solidifie avec les coquillages qui forment l’alternance de strates géologique de la région de Cincinnati. De plus, au moment de la déposition des strates, la région n’avait pas ou peu de pente, soit moins de 1 degré (Ordovician Atlas, 2014). Les eaux les plus profondes se trouvaient au sud du site de déposition soit au nord du Kentucky et les eaux peu profondes au nord du site, soit au sud de l’Indiana et de l’Ohio (Ordovician Atlas, 2014). Comme il a été mentionné, l’érosion des sédiments au fil du temps à mené à l’exposition des strates de l’arc de Cincinnati, celle-ci couvrant la grande région du Sud-Ouest de l’Ohio, du Sud-Est de l’Indiana et du Nord du Kentucky. Cette zone est traversée par la rivière Ohio et expose toutes les strates et fossiles de la période ordovicienne (Ordovician Atlas, 2014). Les faciès, aujourd’hui exposés par l’érosion des plis stratigraphiques jusqu’à la strate ordovicienne, permettent d’analyser les dépôts de 4 types de zones aquatiques soit, les zones péritidales, subtidales peu profondes, subtidales profondes et profondes au large (Holland, 2013).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Géologie

Les trois formations les plus importantes de cette région sont la formation de Kope, la formation de Dillsboro et la formation de Whitewater (Polly, 2012). La formation de Whitewater est la formation la plus récente et est composée de calcaire bleu-gris et d’intervalle de schistes (IGS, 2011).La formation la plus ancienne est la formation de Kope est composée de 75 % de schistes et 25 % de calcaire en intervalle (Jennette & Pryor, 1993). La formation de Dillsboro, entre les deux, est faite de calcaire argileux à 30 % en alternance avec du schiste (IGS, 2011). Au fil des nombreuses études et découvertes, on a pu identifier les espèces dominantes de cette période qui sont les brachiopodes, les bryozoaires, les crinoïdes et les trilobites. Les prédateurs principaux de cet écosystème sont les céphalopodes (Ordovician Atlas, 2014). C’est à l’ordovicien que l’on observe la plus grande explosion de biodiversité de l’histoire géologique. On y retrouve aussi les premiers animaux flottant et nageant dans les colonnes d’eau (Polly, 2012). On observe aussi les débuts du mode d’alimentation par prédation (Polly, 2012). Les communautés d’espèces sont stables durant les premières strates de déposition mais subissent une invasion importante durant les dernières strates du site, c’est l’invasion Richmondienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’invasion Richmondienne

Une invasion est le résultat d’une compétition accrue du aux changements de l’environnement et cela cause un changement dans les assemblages de communautés par la dominance d’une ou de plusieurs nouvelles espèces mieux adaptées. Une invasion particulièrement prolifique est l’invasion Richmondienne où on a pu observer une invasion d’espèces différentes de celle déjà présente dans la région (Ordovician Atlas, 2014). Dans la région de Cincinnati, cela s’est observée par l’arrivée d’espèces telle que les brachiopodes, les bryozoaires, mais surtout par les coraux, jusque là totalement inconnue du milieu (Ordovician Atlas, 2014). La plupart des espèces qui formaient la population de cette mer était adaptée pour plusieurs types de niches écologiques de même que les espèces invasives (Ordovician Atlas, 2014). Cela a donc mené les espèces spécialisées à s’éteindre étant donné la grande compétition de l’espace (Ordovician Atlas, 2014). On suppose qu’à cause de cette grande compétition, il y aurait eu le développement de nouveau mode d’alimentation ou même le développement de la prédation durant cette période (Coenraads & Koivula, 2012).

 

Assemblages des espèces

À ce moment, le niveau de la mer était plus élevé qu’aujourd’hui et l’Amérique du Nord était recouverte d’une mer variant de 10 à 100 mètres de profondeur et donc peu profonde. Ainsi, lors des différentes transgressions marines dont il a été possible d’en identifier 6, il a eu des séquences de dépositions de différentes espèces selon le temps. La position géographique de Cincinnati a cette époque est a proximité de l’équateur, dans les tropiques et donc dans la zone à risque d’ouragan (Ordivician Atlas, 2014) et il semble que cette zone de mer peu profonde a pu être fréquemment perturbée du a cette situation (Ordovician Atlas, 2014), cela pourrait donc expliquer les nombreuses invasions et changements d’assemblages au fil du temps. La région de Cincinnati présente une importante prolifération d’invertébrés généralement de petite taille se calculant en millimètres, et les genres observés dans les différentes strates sont représentatives des genres retrouvés dans les accessions de la base de données du Musée de paléontologie et de l’évolution. Ces accessions dénombrent une multitude d’espèces autant retrouvées au Québec et sur l’Île d’Anticosti que dans la région de Cincinnati. Les assemblages du Québec sont composés de Brachiopodes, de Crinoïdes, de gastropodes (bivalves), trilobites et de champignons, de la même manière que les assemblages d’espèces de la région de Cincinnati, soit des mousses, des crinoïdes, des bivalves, des escargots, trilobites (MPE, 2013). Les coraux et les céphalopodes sont surtout représentés dans la région de Cincinnati. Cela pourrait s’expliquer par le fait de l’invasion Richmondienne qui apporta de nouvelles espèces dans ces communautés en particulier et ainsi rendre possible le développement plus poussé des espèces invasives et prédatrices. De plus, comme les assemblages concordent entre les deux régions, on pourrait affirmer que le climat était semblable durant la période de l’Ordovicien supérieur. Les écosystèmes ont donc pu être très ressemblants.Récemment, la découverte d’un supposé fossile de 7 pieds de longs dans la région de Cincinnati aurait fait penser que des créatures, non identifiées jusqu’à maintenant ont pu se développer jusqu’à de grandes tailles et régner en maître sur les écosystèmes ordoviciens (Discovery, 2012).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 4. Révélation de la texture du spécimen fossile de 7 pieds de longs trouvé par Ron Fine, région de Cincinnati. (Discovery, 2012).

 

Climat

En plus d’être couverte d’une mer peu profonde, la région de Cincinnati avait un climat régional relativement chaud et humide qui correspond encore au climat tropical aujourd’hui observé le long de l’équateur (Discovery, 2012). En effet, les plaques continentales comprenant la région de Cincinnati et l’Amérique du Nord étaient, durant l’ordovicien, enlignés sur l’équateur (Scotese, 2003). Avec le temps, les continents se sont déplacés et ont pris la configuration actuelle, faisant que l’Amérique du Nord est maintenant sous un climat tempéré continental humide (Larousse, et ainsi sujet aux aléas saisonniers. Ainsi, à tout bon climat vient une fin. Vers la fin de la période ordovicienne, une glaciation s’installe et mène à l’extinction des nombreuses espèces marines peuplant la région de Cincinnati. Cette extinction est due au refroidissement global des mers intérieures (Buffetaut & Chansigaud, 2014). L’eau froide riche en oxygène apportée par le refroidissement des océans causé par l’expansion de la calotte glaciaire du pôle sud a donc mené à l’extinction des espèces habituées à vivre dans des environnements carbonatés et pauvre en oxygène des mers chaudes (Buffetaut & Chansigaud, 2014). C’est de cette façon que la glaciation a mis fin à la période où l’Amérique du Nord, était sous les tropiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Meyer, David & Davis, Arnold. (2008). A sea without fish : Life in the Ordovician sea of the Cincinnati region. Indiana University press. 346 p.

 

http://www.ordovicianatlas.org/

Figure 1. Le continent Laurentien tel que situé durant l’Ordovicien. (Ordovician Atlas, 2014)

Figure 3. Les différentes strates exposées de la région de Cincinnati. (Ordovician Atlas, 2014)

Figure 2. Situation géographique des séquences stratigraphiques de la région de Cincinnati. (Ordovician Atlas, 2014)

© 2014 par Isabelle Archambault, Ariane Cyr et Jules Regard. 

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