Reconstruction paléoclimatique de l'Ordovicien
Ordovicien : une histoire de variations
par Ariane Cyr
Un climat chaud et humide dans l'hémisphère nord et un climat global froid dans l'hémisphère sud ? Impossible, diront les septiques. Pourtant, ce fut le cas lors de la période géologique associée à l'Ordovicien. En effet, la présence d'un inlandsis aux hautes latitudes australes entraine un climat global qui tend vers la glaciation (ISAGRI, 2012). Cette calotte glaciaire régule autant que climat que les niveaux marins. En effet, ces derniers étaient relativement bas durant l'Ordovicien inférieur puis très élevés lors de l'Ordovicien supérieur. De multiples dépôts lacustres ont déterminé l'étendue des sols marins de l'époque, toujours présents aujourd'hui. Ces formations sont maintenant connues comme l'habitat de plusieurs espèces marines, où on les retrouvent fossilisés aujourd'hui.
L'Ordovicien
L'Ordovicien est une période caractérisée par des épisodes glaciaires importants qui régulent le climat ainsi que le niveau des mers. La période ordovicienne fait partie d'une des cinq grandes ères glaciaires (Coutterand, 2008), ce qui entraine des caractéristiques propres à cette période. La distinction des évènements climatiques est effectuée par les différentes catégories de la période en question, soit l'Ordovicien inférieur, moyen et supérieur. Il en va de même pour les niveaux des mers.
Climat global
Il y a de nombreuses distinctions à faire lors de l'établissement du climat. Quelques différences sont notables dans les époques, malgré que l'on remarque une température moyenne plus froide que les normales dans l'hémisphère sud (figure 1) (Coutterand, 2008).
Figure 1 : Représentation des températures moyennes durant les cinq périodes glaciaires.
Source : Coutterand, 2008
La figure 1 précédente met en évidence les cinq grandes glaciations qui sont survenu à l'échelle planétaire (Coutterand, 2008). L'étude ci-contre se limite à la troisième glaciation, celle ordovicienne (Coutterand, 2008). Cette glaciation a créé de grand désordres climatiques et écologiques au niveau de l'échelle planétaire (Bernardini, 2014). En effet, l'océan ainsi que l'atmosphère global se sont refroidis, entrainant une explosion de la biodiversité sur tous les continents (M. L., 2014).
Le positionnement des continents à l'époque (figure 2) était tel que la majorité se trouvaient au niveau de l'équateur et dans l'hémisphère sud, et les chercheurs ont découverts des traces évidentes de calotte glaciaire sur les hautes latitudes australes d'autrefois (Buffetaut et Chansigaud, 2014). Le climat était, en général, plus chaud et plus humide dans les territoires qui correspondent aujourd'hui à l'Amérique du Nord et à l'Eurasie (continent Laurussia et Siberia) que le climat du Gondwana, situé plus au sud (ISAGRI, 2012).
Figure 2 : Représentation des continents durant l'Ordovicien
Source : Coutterand, 2008
En effet, le climat était relativement plus froid dans le Gondwana (figure 2) puisque l'indice de glaciation enregistrée par les chercheurs trouvé dans les
roches ordoviciennes de l'Amazonie et du Sahara affirment que ces régions étaient englacées à la fin de l'Ordovicien, soit durant l'Ordovicien supérieur
(ISAGRI, 2012). De plus, le Gondwana était le seul continent à l'époque à posséder un inlandsis (ISAGRI, 2012).
À la fin de l'Ordovicien, soit durant l'Ordovicien supérieur, le climat est devenu si bas que cela entraine une quasi extinction des espèces animales actives ; la majorité disparaissent (Bernardini, 2014). Par contre, il ne s'agit pas d'une extinction en soi puisque la vie reste majoritairement concentrée dans les milieux marins (ISAGRI, 2012). La glaciation se cantonne uniquement à l'hémisphère sud, où un inlandsis recouvrait alors la surface terrestre (Maestre, 2005). Puis, des scientifiques ont supposé que le volume total des glaces continentales durant l'Ordovicien était doublement équivalent au volume des glaces actuelles lors des plus grands pics de glaciation (Goddéris et Donnadieu, 2012). Ces derniers ont aussi mentionné que le volume des calottes étaient nul en période de réchauffement du climat (Goddéris et Donnadieu, 2012). Ceci entraine une oscillation entre les périodes de gel et de dégel allant jusqu'à 2% dans l'18O de l'eau océanique, ce qui permet de supposer que les pourcentages qui sont restant se rattachent aux variations de température (Goddéris et Donnadieu, 2012). Ceci permet de mettre en lumière la température de la mer lors du maximum glaciaire de l'Ordovicien ; à ce moment, la mer équatoriale aurait eu une température jusqu'à 3,5°C inférieure que le reste de la période ordovicienne (Goddéris et Donnadieu, 2012).
Le climat et les variations des températures marines sont, somme toutes, inter-reliées puisque le climat global est évidemment plus froid lorsqu'il y a présence de calotte glaciaire et ces dernières diminuent la température ambiante. De plus, il est possible de remarquer que la glaciation entraine, à court comme à long terme, un refroidissement du climat à l'ensemble de l'hémisphère sud (Goddéris et Donnadieu, 2012). En effet, la migration du froid polaire vers l'Équateur entraine une baisse des températures de surface de 16°C à 13°C ou 11°C (Vandenboucke et Servais, 2010).
Niveau des mers
L'Ordovicien est une période durant laquelle les mers continentales étaient peu profondes, mais très riches en ce qui concerne la vie marine (Bernardini, 2014). En effet, on y retrouve de nombreuses espèces, majoritairement des brachiopodes et des trilobites, mais aussi des coraux (Bernardini, 2014). Une certaine régression du paléozoïque a entrainé, durant l'Ordovicien, une réduction importante du niveau des mers, ce qui engendre la déposition de schiste dans les fonds marins (Bernardini, 2014). Cette réduction est principalement due à une mauvaise ventilation des eaux océaniques ainsi qu'une superficie englacée très étendue (Bernardini, 2014). De plus, la baisse du niveau des mers provoquée par l'extension des glaces ainsi qu'une remontée du niveau des mers à la fin de cette glaciation aurait provoqué une certaine expansion des eaux chaudes dans les océans (Buffetaut et Chansigaud, 2014). Puis, l'ajout d'eau froide riche en oxygène s'est répandue dans les zones d'eau chaudes, soit les zones mal oxygénées, ce qui a entrainé la mort de plusieurs organismes (Buffetaut et Chansigaud, 2014).
La figure 3 illustre la vitesse de l'expansion des océans en fonction du niveau marin (svtcharlie, 2013). Il est possible de constater que dans l'Ordovicien, on observe les épisodes d'accumulation d'eau froide et d'eau chaude, due à la vitesse de l'expansion océanique (svtcharlie, 2013).
Figure 3 : Représentation des épisodes d'expansion des océans
Source : svtcharlie, 2013
Les niveaux des océans se distinguent entre les différentes sous-catégories de la période. Plusieurs différences sont notables.
Tout d'abord, l'Ordovicien inférieur est caractérisé par des mers faiblement profondes qui couvre en entier l'Amérique du Nord (ISAGRI, 2012). Ces dernières, lors de leur lent retrait, entraine des dépôts de calcaire (ISAGRI, 2012). En plus, les mers épicontinentales persistent jusqu'à leur retrait complet, ce qui libère plusieurs grandes zones continentales asséchées (Mindjet MindManager, 2011). Ces dernières entrainent l'apparition de chaînes de montagnes ainsi qu'un refroidissement du climat majeur (Mindjet MindManager, 2011). Déjà au début de l'Ordovicien, on remarque des impacts physiques dus à la glaciation.
Par la suite, lors de l'Ordovicien moyen, de gros et épais dépôts de sables de quartz et de nouvelles couches de calcaire sont déposées suite à une nouvelle avancée des mers salines (ISAGRI, 2012). Durant cette période, on retrouve de nouvelles transgressions marines, c'est-à-dire l'envahissement des surfaces continentales par la mer à une vitesse relativement lente (Encyclopaedia Universalis, 2014), ainsi que des mers épicontinentales sur de grandes étendues (Maestre, 2005). Ces facteurs entrainent une sédimentation marine qui s'est révélée intense (Maestre, 2005). Bref, l'Ordovicien moyen est caractérisé par une succession de battement des océans qui forme les couches sédimentaires des fonds océaniques comme il est possible d'en retrouver aujourd'hui.
Ensuite, la période de l'Ordovicien supérieur peut se mélanger avec celle de l'Ordovicien moyen en ce qui concerne les caractéristiques physiques de la période. En effet, le niveau marin est toujours peu profond lors de la transition entre l'Ordovicien moyen et supérieur (Konstantinovskaya et al., 2010). On y retrouve aussi plusieurs formations géologiques qui datent de cette période, soit le groupe de Chazy et le Black River Trenton (Konstantinovskaya et al., 2010). Puis, l'Ordovicien supérieur devient effectif lorsque le niveau de la mer tend à augmenter ; la mer devient profonde (Konstantinovskaya et al., 2010). Les particules du sous-sol sont majoritairement du Shale d'Ultica, une formation fortement habitée par les trilobites (Konstantinovskaya et al., 2010). Enfin, cette période est caractérisée par les premières remontées des eaux profondes qui elles, sont riches en éléments nutritifs (Mindjet MindManager, 2011). Puisque ces zones de Upweling ne s'effectue qu'avec les températures pas trop élevées (Mindjet MindManager, 2011), cela démontre que les océans tendent à être de plus en plus froids pour assurer la diversité.
Suite aux multiples études réalisées, il est maintenant possible de calculer le rapport δ18O concernant l'eau de mer de l'Ordovicien et, par le fait même, de remonter au volume total de glace présent sur la totalité des continents au moment du pic de glaciation de l'Ordovicien supérieur (Goddéris et Donnadieu, 2012). Ces études se fient aux variations du climat et utilisent ces dernières comme références pour les variables associées aux atomes d'oxygène. Finalement, les formations mentionnées ci-haut sont, pour la plupart, les endroits où les genres ont été découvert. Certains sont représentatifs d'un substrat tandis que certains sont représentatifs d'une seule couche stratigraphique, comme les trilobites qui permettent de séparer les séquences argileuses du sol (Tuffnell et Ludvigsen, 1984).
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Les conditions climato-océaniques de l'Ordovicien
Entre 485,4 Millions d'année et 443,5 Millions d'année, soit la période de temps relative à l'Ordovicien, le climat global terrestre était glacial. Ce phénomène climatique est expliqué par la présence d'un inlandsis sur le Gondwana, un continent situé dans les hautes latitudes australes. Par contre, le climat n'était pas équivalent à la grandeur de la Terre. En effet, les climats de chaque hémisphère était différents. La calotte glaciaire de l'hémisphère sud entraine donc un climat froid tandis que l'hémisphère nord était, à l'époque, victime d'un climat chaud et humide. Ce dernier climat, soit celui de l'hémisphère nord, se compare avec le climat équatorial que l'on retrouve aujourd'hui. Pour les besoins de la recherche, concentrons-nous sur l'hémisphère sud, où se trouve la glaciation.
L'Ordovicien est une des cinq grandes périodes géologiques durant lesquelles il y a une glaciation. La glaciation ordovicienne représente la troisième grande phase englacée. Plus spécifiquement, l'Ordovicien est une période géologique caractérisée par des épisodes glaciaires d'une importance capitale qui régulent autant le climat que le niveau des mers. En effet, les températures analysées depuis l'Ordovicien démontrent que ces dernières étaient nettement inférieurs à la température moyenne observée à ce moment. La température, lors de son peak glaciaire, atteignait les environs de 7°C tandis que la température moyenne ambiante était de 13,5°C. Par contre, si l'on compare les températures de l'Ordovicien avec celles des autres glaciations, on remarque qu'il s'agit de la plus chaude.
Puis, d'un point de vue climatique et écologique, la glaciation de l'Ordovicien a créé de grands déséquilibres. À cause du refroidissement atmosphérique et océanique planétaire, la Terre a connu une explosion de sa biodiversité. Par contre, l'Ordovicien supérieur présente un climat global si froid que cela cause une extinction des espèces jusqu'à présent actives ; la majorité des espèces marines disparaissent. Dès lors, les températures marines de la mer équatoriale diminuent ; elles aurait eu, selon la littérature, une température jusqu'à 3,5°C inférieur au reste de la période.
Les espèces marines qui habitent les fonds marins sont, durant l'Ordovicien, majoritairement des Brachiopodes et des Trilobites. Ces derniers ont été fortement affectés par l'extension des glaces. Ce phénomène est directement relié à la baisse du niveau marin et il aurait entrainé une expansion d'eau chaude dans les océans. Les eaux classées comme "chaudes" sont celles qui possède une faible quantité d'oxygène, elles sont donc anoxiques. L'ajout d'eau froide riche en oxygène dans les zones anoxiques ont entrainé la mort de plusieurs organismes.
L'Ordovicien inférieur est caractérisé par des mers peu profondes qui sont riches. Les mers ont commencé à reculé, ce qui à diminué le niveau des mers et entrainé une déposition schisteuse dans les fonds marins. Ces derniers commencent donc à se former à partir de l'Ordovicien inférieur. Puis, l'Ordovicien moyen est représenté par de multiples battements du niveau de la mer qui entrainent une accumulation de dépôts calcaires et de sables de quartz au fonds marin. On y remarque une série de transgression marine, soit l'envahissement des surfaces continentales par la mer en fonction d'une vitesse relativement lente. Enfin, l'Ordovicien supérieur est caractéristique d'une mer profonde, malgré qu'une transition lente s'effectue entre l'Ordovicien moyen et l'Ordovicien supérieur. Ces mers sont riches en nutriments et ces derniers remontent les colonnes stratigraphiques par le phénomène de Upwelling. Enfin, la composition minérale du sous-sol ordovicien, dans les formations de Chazy par exemple, est majoritairement du Shale d'Ultica, un habitat idéal pour les trilobites ; une espèce fortement représentée durant l'Ordovicien.
Par Ariane Cyr
Étudiante en géographie environnementale


